La secte de Nicolas Feuz réactualise l’affaire du Temple Solaire dans un polar contemporain
Le roman s’inspire de l’affaire du Temple Solaire
Quand la réalité dépasse parfois la fiction, jusqu’où peut aller l’écrivain pour s’emparer d’un fait réel sans le dénaturer ? Marqué dès l’enfance par le drame de l’Ordre du Temple Solaire, Nicolas Feuz a longtemps envisagé d’en faire le cœur d’un récit.
D’autres avant lui ont tenté cette approche, comme Pierre Fankhauser avec Sirius ou Julien Sansonnens avec l’Enfant aux étoiles. Face aux massacres de Cheiry, de Salvan et du Vercors, le réel continue de défier les plumes qui s’intéressent aux crimes graves.
Trente ans plus tard, l’OTS refait surface dans un thriller
Trente années se sont écoulées, soit le temps d’une génération, et l’Ordre du Temple Solaire se réinsère dans un nouveau polar. Dans La secte, Feuz offre un miroir entre fiction et les dynamiques d’embrigadement sectaire.
L’action s’ouvre dans un refuge des montagnes valaisannes, isolé par une tempête de neige et coupé de tout réseau. Cinq personnages venus d’horizons variés se tournent vers Gaïa Glassey, coach en remise en forme qui promet des soins durs.
Très vite, la mort survient, avec l’ambiguïté qui caractérise les drames liés à l’OTS: suicide ou homicide ? Les infrastructures techniques d’une station de ski — télésièges, ratracks et dispositifs anti-avalanche — deviennent, dans le récit, des outils de mort destinés à produire des effets spectaculaires.
Un extrait présente la descente vers la dameuse sur la neige fraîche, Ana peinant à suivre les deux Valaisans tandis que Gaïa et Isaac restent immobiles près de la machine.
Un jeu de récits gigognes
En arrêt maladie après deux infarctus, l’inspectrice genevoise Ana Bartomeu est entraînée malgré elle dans une nouvelle enquête, secondée par un collègue valaisan. Apparue dans Le philatéliste en 2023, cette policière attachante et marquée par la vie découvre, au détour d’une disparition, les archives d’un procès secret lié à l’Ordre du Temple Solaire.
Feuz pousse le récit par un mécanisme de récits gigognes, mêlant histoire et destins macabres de la secte au cœur de sa fiction contemporaine. Peu à peu, un lien se dessine entre le passé trouble de l’OTS et les morts suspectes du refuge, comme si la responsabilité des crimes pesait à nouveau sur la génération suivante.
Selon l’auteur, les ruptures psychologiques s’expliquent souvent par le vécu des personnes et leurs liens avec les parents, une intuition qu’il rattache à son métier de procureur où il rencontre des personnes cabossées par la vie.
La famille comme terreau de violence
Au-delà des trajectoires sordides décrites, le roman met aussi en avant la dimension familiale et les tensions entre parents et enfants. Chaque protagoniste porte des relations compliquées avec son ascendance ou avec sa descendance, faisant de la famille le terreau des violences infligées ou subies.
L’auteur évoque une proximité avec ses propres enfants: sa fille aînée travaille sur les remontées mécaniques de la station décrite et aurait inspiré, selon lui, l’idée d’une mise à mort sanglante en montagne.
Nicolas Feuz, La secte, Rosie & Wolfe, octobre 2025.