Amélie Nothomb : À 11 ans, une passion intense pour l’ornithologie comme réponse aux traumatismes

Une enfance nomade et un déracinement constant

Fille de diplomate, Amélie Nothomb a vécu dans plusieurs pays au cours de son enfance, ce qui lui a offert une expérience culturelle riche mais aussi semée de défis. Après avoir séjourné à Osaka, sa famille a été mutée à Pékin, puis à New York, dans un contexte marqué par des changements géopolitiques importants. Lors d’une interview diffusée le 2 septembre 2025 dans l’émission La vie à peu près, l’écrivaine belge de 58 ans a évoqué l’importance que lui ont longtemps semblé représenter ses années passées à New York. Elle raconte : « Imaginez une famille de cinq personnes qui fuit la Chine maoïste pour se retrouver au début des années 1970 à New York, sous la présidence de Gerald Ford, dans le tumulte du capitalisme naissant, un monde totalement étranger à leurs expériences précédentes. Moi, je venais tout juste du Japon et de Chine, et c’était la première fois que je découvrais un pays où la majorité blanche détient le pouvoir ».

Le défi du déracinement et ses impacts sur la jeunesse

Malgré une jeunesse culturellement stimulant, cette vie itinérante a aussi comporté des aspects difficiles. Amélie Nothomb évoque un sentiment de déracinement constant, précisant que ses parents lui avaient toujours laissé entendre qu’ils pouvaient partir à tout moment. Elle explique : « Nous vivions dans l’incertitude permanente quant à la fin de l’année scolaire. Ce climat d’instabilité créait deux réactions possibles : soit on se détachait totalement, soit on s’attachait intensément à tout ce qui nous entourait. J’ai tendu vers cette seconde option, en donnant beaucoup d’amour et d’affection à mon environnement, parfois de façon démesurée ».

Une adolescence marquée par des événements bouleversants

À l’âge de 11 ans, Amélie Nothomb quitte la richesse et le confort de New York pour le Bangladesh, où son père souhaite s’impliquer davantage dans des actions humanitaires. À Dacca, la famille passe ses week-ends dans une léproserie, apportant des soins aux patients. Cependant, un événement tragique intervient durant une période de vacances : Amélie se fait agresser sexuellement par quatre hommes alors qu’elle nageait dans le golfe du Bengale. Elle confie en toute sincérité : « J’avais 12 ans et demi, et j’ai pensé que mourir sur le coup aurait été une solution plus simple ».

La lutte contre l’adversité et l’émergence de nouvelles passions

Suite à cette agression, Amélie a traversé une période d’anorexie, qui lui a permis de détourner son attention de cette trauma. Elle raconte : « Pendant les six premiers mois, j’ai remplacé la pensée ‘J’ai été violée’ par ‘Mon Dieu, j’ai faim’. Ensuite, la faim s’est estompée, laissant place à un vide total, véritablement le ‘grand rien’ de l’anorexie ».

Plus tard, en Birmanie, face à une crise de santé grave ressentie lors d’un épisode de forte chaleur, elle a vécu une expérience intense : « Je sentais la mort entrer en moi sous une forme de froid extrême. À ce moment précis, mon corps et mon âme se sont séparés, et mon instinct de survie a pris le dessus pour me faire manger, sans que je puisse en contrôler la décision », détaille-t-elle. Il lui a fallu attendre huit années pour retrouver une relation apaisée avec la nourriture, sans pleurs ni drames.

En parallèle de cette période de reconstruction, l’ornithologie est devenue une véritable passion pour Amélie Nothomb. Elle explique qu’à 11 ans, cette fascination s’est déclarée de façon intense. Elle pense que cette passion est née de sa perception de la terre comme un lieu de mort omniprésente. Elle précise : « Sur terre, tout le monde meurt, alors j’ai trouvé refuge dans l’observation du ciel et des arbres, qui constituent des mondes où la vie semble meilleure. Les oiseaux, notamment, m’ont toujours fasciné : ce sont eux qui ont inventé le vol et le chant, deux phénomènes mystérieux et captivants ».